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C’est une révolution française en matière de santé, qui avant d’être remise en cause, va vivre son moment de gloire. En 1976, le docteur Philippe Maupas met au point le premier vaccin contre le virus de l’hépatite virale de type B. Cette innovation scientifique doit permettre de prévenir cette infection qui touche le foie et qui peut être potentiellement mortelle. Le vaccin doit aussi tenter de prévenir ses conséquences chroniques. Après une série de tests et d’études, l’Académie nationale de médecine confirme en 1980 l’efficacité et l’innocuité du vaccin et annonce que la France sera le premier pays au monde à bénéficier de cette méthode de protection par immunisation. La production du vaccin est alors prise en charge par l’Institut Pasteur Production après que soit délivrée l’AMM, l’autorisation de sa mise en vente sur le marché. À cette époque l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande les campagnes de vaccination pour lutter contre cette maladie. Via cette recommandation, les autorités sanitaires françaises lancent à leur tour une campagne de vaccination. 

 

 

 

 

Les débuts d’une controverse

 

En 1996 alors que près de 30% de la population française est vaccinée contre l’hépatite B, des premiers doutes sont émis sur l’innocuité du vaccin. Des observations révèlent l’apparition d’effets secondaires graves dans les deux mois qui suivent l’injection vaccinale. Certains patients présentent des troubles neurologiques et les médecins diagnostiquent des cas de sclérose en plaques et/ ou des poussées de sclérose en plaques (voir l'encadré). Ni une, ni deux, cette information à propos du vaccin se diffuse au sein de la société, alors qu’une enquête de pharmacovigilance dévoile que sur un total de 850 000 personnes vaccinées contre l’hépatite B, 41 souffrent d’effets indésirables. Les médias se saisissent de la polémique et en rendent compte dans leurs éditions. À ce moment-là, Jean Yves Nau est spécialiste des questions de santé au sein du quotidien Le Monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malgré l’emballement médiatique et l’émotion suscitée par ces découvertes, l’Agence du Médicament maintient la mise sur le marché des vaccins contre l’hépatite B. À cet instant aucun lien de causalité n’est démontré entre la vaccination et les poussées de sclérose en plaques. Toutefois, le texte à propos du vaccin est modifié et précise que « toute stimulation immunitaire comporte le risque d'induire une poussée chez les patients atteints d'une sclérose en plaques. En conséquence, chez les malades atteints de sclérose en plaques et dont les examens sérologiques spécifiques montrent une absence d'immunisation contre le virus de l'hépatite B, le bénéfice de la vaccination doit être évalué en fonction des risques d'exposition au virus et du risque couru ». Le gouvernement en place décide lui aussi de tenir le cap et de maintenir son programme de vaccination auprès des nourrissons et des adolescents. Le secrétaire d’État à la santé, Bernard Kouchner déclare alors au quotidien Le Monde : « Il s'agit ici d'une alarme excessive que rien ne justifie. Ce qui est présenté comme un document confidentiel ne l'était nullement et les professionnels de santé étaient parfaitement au courant de ces observations […] Comme dans toute vaccination, celle contre l'hépatite B a été décidée après qu'ait été soigneusement pesé le rapport bénéfice-risque. À travers le monde, des dizaines de millions d'enfants ont été vaccinés et sont aujourd'hui protégés. Rien aujourd'hui ne justifie que l'on modifie notre politique vaccinale. »

 

Des victimes devant la justice

 

La décision des instances de santé publique et de l’État de maintenir la vaccination ne permet pas de faire désenfler la polémique. Cette dernière est une fois de plus alimentée : de nouveaux citoyens se déclarent victimes du vaccin contre l’hépatite B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La situation est alors incompréhensible : d’un coté des personnes se disent victimes de ce vaccin et de l’autre, la communauté scientifique affirme qu’il n’existe aucun lien de causalité dans cette affaire. Cette absence de preuve n’empêchera pas une action en justice. En effet, en 1998 le Tribunal de Grande Instance de Nanterre est saisi de ces dossiers et décide de condamner la multinationale pharmaceutique SmithKline Beecham à verser respectivement 50 000 et 80 000 francs à deux personnes atteintes des premiers symptômes d’une sclérose en plaques, après avoir reçu l’injection du vaccin Engerix B qui protège de l’hépatite B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’indemnisation des « victimes » du vaccin relance dès lors la controverse et alimente la thèse conspirationniste à son égard. La décision prise par Bernard Kouchner, contre l’avis des experts, de suspendre les campagnes scolaires de vaccination participe à cela. Cette décision délenche une vive polémique tant à l'échelle nationale qu’à l'échelle internationale. Le Syndicat national des pédiatres dénonce l’incohérence des propos du secrétaire d’Etat à la santé : « La décision ministérielle jette un doute et l'émotion dans le public. Tout geste médical comporte un risque, mais on ne voit pas comment nous pourrions expliquer aux mères qu'il faut vacciner un nourrisson qui n'a guère de risque de contracter l'hépatite B par voie sexuelle, mais qu'on arrête, dans le même temps, les campagnes de vaccination dans les collèges. De plus, nous sommes le seul pays au monde à prendre une telle décision. » L’OMS s’offusque elle aussi : « Même si la France entend poursuivre la vaccination des nourrissons et des adultes à haut risque, nous craignons que la décision du gouvernement français n'entraîne une perte de confiance du public dans ce vaccin et que d'autres pays ne décident, eux aussi, de suspendre cette vaccination ou de retarder l'introduction du vaccin dans leurs programmes. » À cet instant, la couverture vaccinale de l’hépatite B s’effondre tandis que les actions en justice se multiplient. Les victimes se regroupent même autour d’associations, parmi elles : Revahb.

 

Même si la campagne de vaccination reprend petit à petit à partir de 1999, (car il n’y a toujours pas de liens de causalité démontrés entre l’injection vaccinale contre l’hépatite B et l’apparition de sclérose en plaques) la défiance envers le vaccin est plus forte que jamais. Les couacs du gouvernement en place, les décisions de justice et les regroupements des « victimes » font douter l’opinion publique qui ne veut plus faire confiance à la parole scientifique.

 

Mathilde Blin

 

L'AFFAIRE DE L’HEPATIBE B : ILLUSTRATION D’UNE DEFIANCE

 

Le vaccin contre l’hépatite B est au coeur de la controverse. Lancé sur le marché, il y a plus d'une quinzaine d'années, son cas fait encore débat aujourd'hui.

​Un exemple concret de cette défiance envers les professionnels de santé et les politiques publiques. 

 

La sclérose en plaques est une affection du système nerveux central qui touche le cerveau, les nerfs optiques et la moelle épinière. Cette maladie très invalidante se caractérise par des symptômes très variés touchant les fonctions motrices et sensitives de la personne atteinte. L'évolution pathologique se fait par poussées sur des périodes plus ou moins longues. Selon Le Monde : « La sclérose en plaques touche en France plusieurs dizaines de milliers de personnes. »

sur un total de 850 000 personnes

vaccinées,

41 souffrent d'effets indésirables

Nous sommes le seul pays au monde

à prendre une telle décision

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